jeudi 15 mars 2012

Indochine : Le péril jaune







Elles sont bien loin, les années quatre-vingt, et la stupidité des chaînes de TV nous le rappelle en nous ressortant régulièrement une émission "nostalgie", destinée à ré-humidifier quelque peu les vulves des ménagères regrettant leur jeunesse enfouie sous des tonnes de produits d'entretien et d'appareils électroménager.

Parmi les symboles de cette adolescence des eighties, Indochine fait figure de mythe new-wave à la française (enfin, à la belge, plutôt...).
Au début de leur discographie, on observe le fulgurant succès de l'EP "L'aventurier", et son "tube" éponyme. Puis, par la suite, Indochine sortira "3", soit l'album du succès, avec les titres comme "Trois nuits par semaine", "Canary Bay", "3ème sexe" ou encore "Tes yeux noirs".

Finalement, "Le péril jaune", sorti en 1983, est bel et bien coincé entre les deux succès commerciaux d'Indochine, et si une cohorte de fans les suivaient bel et bien à l'époque, on notera que cet opus est le moins connu des débuts d'Indochine.
Point de succès radiophonique ici, excepté peut-être les deux titres "Miss Paramount" et "Kao Bang", cependant uniquement appréciés des "die-hard" du groupe.

Pourtant, sous-estimer cet opus serait une grave erreur, puisqu'on tient certainement ici, la meilleure pièce du groupe français. Si "3" reste un très bon opus de par son efficacité "tubesque" qui n'est plus à prouver, "Le péril jaune", malgré sa sortie antérieure, se veut presque plus osé.
L'album fait plus appel au rêve, au fantasme, ne serait-ce que par cet orientalisme, figé quelque part dans les colonies des années trente et totalement artificiel, mais furieusement réussi.

Outre les références orientales, on pense aussi au cinéma, avec des références à "Paramount", ou à "Razzia sur la schnouff". Orchestré de manière précise grâce à une ouverture, une interlude ("Tankin") et une fermeture, l'album s'articule de manière concise, comme un film, ou un roman finalement.

La sécheresse des boîtes à rythmes, la mécanique rythmique infernale part dès le début de l'album, avec "La sécheresse du Mékong", titre-synthèse du style de cet album. La dureté du rythme, et l'aspect aérien/planant des synthétiseurs et des guitares, volontairement réverbérée et remplie d'écho. 
Toujours dans le but de créer une ambiance, on notera "A l'est de Java", titre plus sobre de fermeture, "Razzia" instrumentalisé de manière à créer une ambiance de tripot rempli de fumée et d'argent pas toujours très propre, "Okinawa" plus posé, et "Pavillon Rouge" empli d'un aspect de contemplation de l'être cher (ou du coup d'un soir, à vous de voir...).

Bon, textuellement, on ne va pas aller dire que ça tient du chef d’œuvre. Les paroles sont parfois un peu niaises (mettons ça sur le compte de la jeunesse...), mais l'interprétation de Nicola Sirkis se veut pleine de conviction, malgré des accentuations sur les mots très (très) étranges.
De même, la production manque cruellement de pêche... (Indochine ferait peut-être mieux de pousser la sauce sur "Le péril jaune" plutôt que de ré-enregistrer le très moyen "Paradize" pour les dix ans de sa sortie. Encore que, mon expérience d'auditeur de Black Metal m'a appris à me méfier des ré-enregistrements en tout genre... Ceux qui sont ici pour le Black Metal me comprendront).
La production manque cruellement de pêche, donc, mais finalement vu l'époque, on ne peut que se dire qu'elle n'est pas handicapante pour apprécier cet opus, et c'est sûrement mieux comme ça.

Malgré ces quelques fautes, "Le péril jaune" reste l'album le plus marquant du groupe pour ma part. Véritablement prenant, on a ici un album qui nous fait voir les paysages d'Asie, et devant lequel on est comme un gosse perdu devant l'immensité.
Le grand frisson, en somme.

18/20


2 commentaires:

  1. Excellente chronique, je pensais être le seul au monde à avoir compris cet album... Et c'est clair que le groupe devrait songer à retravailler cet album, ou les éléments qui le composent, plutôt que de nous faire chier avec leur trip goth neuneu actuel...

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  2. Merci pour ce commentaire !

    Pour être franc, j'avoue que leur dernier opus m'a bien plu, même si rien à voir avec les débuts, on sent une maturité et des thèmes plus poussés. Par contre, totalement d'accord sur le neuneu-goth de Paradize...

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